Les semaines passent et se ressemblent. Progressivement, l’ennui s’installe. Et avec lui, la frustration aussi.

Lundi 20 avril – Fille perdue, cheveux gras
J’entre lentement dans une routine de confinement. Le matin, je me lève, m’habille et procède à un sommaire soin du visage. Puis, yoga, café, boulot. À 13 heures, repas, re-yoga et re-boulot. Le soir, re-re-yoga et enfin, dodo. À ce stade, j’en viens à me demander si la vie a bel et bien un sens. Je m’ennuie tellement que j’ai passé mon week-end à astiquer l’appartement de fond en comble. Si bien que j’ai vidé le bidon de javel, le spray pour les vitres et la solution anti-calcaire. Direction Auchan pour réapprovisionner les stocks.

Mais d’abord, il faut que je trouve une solution pour cacher mes cheveux gras, plus dégueus qu’un dessous d’aisselle dans le métro à l’heure de pointe et en plein été. Mon choix se porte sur une grande capeline de plage. Ridicule, mais efficace. Aurais-je cédé à la cure de sébum ? Non. La vérité, c’est que ma colo violette a déjà presque quinze jours et que je dois en recevoir un plein colis cette semaine. Or, la légende raconte qu’il vaut mieux procéder sur cheveux sales. La livraison est en retard. Ça me gratte. Décidément, ma vie est passionnante.

Mardi 21 avril – Cœur grenadine
Dans les épisodes précédents, nous avions désigné le protagoniste de cette histoire comme le « pote de mon précédent mec ». Pour des raisons évidentes d’aisance de lecture, appelons-le désormais Jean-Guy. Jean-Guy donc, commence sérieusement à me poser des problèmes d’ordre éthique et moral. J’entends par là que j’ai un léger faible pour lui. Léger, vraiment léger. Aussi léger que l’immense vide-air dressé entre nous deux pour des raisons évidentes de confinement. Je ressens un léger faible. Pour un mec croisé sur Tinder. Que je n’ai jamais contacté que par DM. Soit le célibat m’a rendue gravement pathétique, soit le confinement commence sérieusement à entamer le peu de raison qu’il me reste.

Sauf que. Comme je suis une incorrigible et insatiable morue, j’ai quand même grave envie de céder au charme du démon qui hante également mes DM sur Instagram. Appelons-le Jean-René. Lui, pour le coup, m’attire par mes plus bas instincts. Dès qu’il commence à évoquer la pluie et le beau temps, je pourrais hurler : « MAIS JE M’EN BATS LES STEAKS, baisse-moi la culotte, merde ! » Néanmoins, je ne le fais pas. Parce que je suis un minimum bien élevée. Je crois que Jean-René m’aide à évacuer certaines tensions de confinement : entre nous, c’est une affaire textuelle, et rien de plus.

Mercredi 22 avril – Dégradation capillaire
J’ai craqué. Je me suis lavé les cheveux. Les racines blondes commencent à poindre. Toujours pas de trace de mon colis. Je prie pour le recevoir avant qu’il ne faille que je passe voir Jean-René derrière son comptoir. Les denrées dont il est le receleur commencent à manquer. Néanmoins, si je fais mon possible pour entretenir la couleur, je reste impuissante face à la repousse sauvage de mes cheveux courts. Ma nuque est dans un sale état. Tant et si bien, que je serais bientôt l’heureuse propriétaire d’un saillant mulet. Joie !

Cet état de fait mis à part, je continue de m’ennuyer. L’arrêt du tabac me pousse à des fringales vertigineuses. J’ai tellement peur de la prise de poids que j’ai cédé à l’appel de la cigarette. Tant pis pour la mise en plis catastrophique, j’ai fait la queue devant le bureau de tabac où officie le désormais célèbre buraliste sexy (vous l’aviez presque oublié, celui-là, n’est-ce pas ?).
« Hey, comment ça va, toi ? Ça fait longtemps que je ne t’ai pas vue…
– Yep, j’essaye d’arrêter, mais c’est compliqué. Je m’ennuie, j’en ai marre de ce confinement.
– En temps normal, je t’aurais bien proposé de boire un verre pour tuer le temps. Je garde parfois une bouteille derrière. Seulement, j’ai rien sous le coude, aujourd’hui… Bien dommage. »
C’est moi ou je vire sérieusement érotomane ?

Jeudi 23 avril – Arrivée au point de non-retour
Seigneur, ça y est : je n’ai plus rien à raconter. Mais alors, absolument rien. J’étais à deux doigts d’envoyer un nude à Jean-René, juste pour jauger la réaction du mâle et la retranscrire ici même. J’ai néanmoins résisté à la tentation du sale. D’une part, parce qu’à force de procrastiner, je commence à avoir beaucoup trop de travail en retard. D’autre part, parce que selon mes propres règles, c’est au quidam intéressé de venir me chercher. Et non l’inverse. Entre autres frustrations, j’ai également dû résister à l’envie d’aller racheter des clopes. Trop de sexiness derrière la caisse, sans jamais de 06 à la clé… Décide-toi, Jean-Louis ! Oui, lui maintenant, c’est Jean-Louis – vous arrivez à suivre ?

Vendredi 24 avril – Frustration : épisode 2743
J’ai passé la nuit à discuter avec Jean-Guy. Je me sens comme une gamine de 14 ans à chaque fois que je vois son nom apparaître sur l’écran de mon Huawei P20 pro. Je souris comme une idiote et j’ai peur de l’imminence du moment où l’on va se dire au revoir. Il lâche parfois des phrases mignonnes, comme si de rien n’était… Je me blinde, car je connais trop bien le syndrome du mec qui s’emballe et qui se lasse tout aussi vite. Ce phénomène a déjà souvent heurté mon cœur d’artichaut.
« T’es chiante à jamais venir me parler.
– J’ose pas te déranger… Et bon, je suis un peu timide mine de rien.
– Tu peux me déranger quand tu veux. J’aime beaucoup discuter avec toi et apprendre à te connaître. »
Ce mec va me pulvériser en mille morceaux, je le sais. Et je participe à creuser ma propre tombe.

Parallèlement, et malgré mon magnifique mulet, ainsi que mon réapprovisionnement en coloration toujours aux abonnés absents, j’ai dû me résoudre à pousser la porte de la boutique de Jean-René. C’était atroce. La tension était palpable. Nous ne faisions que remplir une conversation vide de sens pour combler l’envie de se bouffer la pomme. Et de silence gêné en silence gêné, je crains que nous ne parviendrons jamais à ce but, tant le confinement tire en longueur et la distanciation sociale demeure. Le type est sexy à en crever. Et je ne peux même pas l’approcher. Fait chier.

Samedi 25 avril – Du chocolat
Hier soir, j’ai souffert d’un coup de cafard sévère. Allons donc, j’ai dégommé le pot de Ben & Jerry’s parfum pâte à brownie que je gardais au congèl’ en cas d’urgence. Il avait même résisté à ma dernière « rupture » – si je puis dire. À présent, la brèche est ouverte. J’ai envie de chocolat. Tout le temps de chocolat. Alors, je reproduis pour la quatrième fois la même recette de fondants au chocolat vegan. Je change les portions de sucre, de compote, de farine de châtaigne… Jusqu’à obtenir le fondant parfait. Et pendant ce temps-là, mes cheveux continuent de pousser. Face au miroir, j’ai envie de pleurer. Il est 23 heures, je repars cuisiner des fondants. Tant pis.

Dimanche 26 avril – Oh, Jean-Louis !
Dieu merci, malgré le repos dominical de rigueur, le bureau de tabac est ouvert. Or, j’ai besoin d’une clope. Jean-Louis me sourit nonchalamment derrière sa caisse.
« Hey, salut toi ! Décidément, le confinement te réussit : t’es tous les jours un peu plus jolie.
– Xdhrzuhezrezrtty. »
Ok. Laissons tomber les fondants. Cette aprem, j’enchaîne les pompes en hurlant de frustration.

Ce GIF de Bob l’éponge résume à lui seul ma vie haha Courage, Lily ! (je le dis pour moi aussi, et tous ceux qui nous lisent…).
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Bob is an icon ❤ Merci beaucoup, prends soin de toi et surtout, courage à toi aussi !
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